vendredi 30 novembre 2007

Les bancs d'école

Mercredi, c'était l'atelier des débutantes à Yendane. Yassine, Coumba, Jaqueline, Rama et Khady sont venues. Toutes les cinq voulaient s'asseoir aux pupitres d'en avant (je crois que certaines ont besoin de lunettes ...), mais il y avait seulement quatre places.

Elles se sont tassées pour entrer toutes les cinq dans la rangée d'en avant. ça reflette vraiment bien la conception de l'espace appliquée ici, notamment dans les transports :

Quand il n'y a plus de place, on peut toujours en prendre un de plus ...

C'est le cas dans les taxis de brousse, qui transportent jusqu'à 25 personnes dans une boite de truck ... et ces femmes en ont visiblement l'habitude.

Elles ont donc commencé à travailler, très concentrées, se cognant les coudes en écrivant. J'avais envie de rire à les voir ainsi écrasées, mais elles étaient très sérieuses ! Je me suis dit qu'elles étaient vraiment belles, cordées comme ça sur les memes bancs d'école qu'occupaient leurs enfants quelques heures plus tot !


Lundi passé je suis allée au Lac Rose pour une réunion de Mer et Monde. Nous nous réunissons comme ça toutes les trois semaines, pour échanger sur nos expériences. ça fait toujours plaisir de voir les autres stagiaires et de les entendre raconter leurs temps forts et leurs annecdotes.

Je me suis donc levée à 5h30 du matin pour rejoindre Nadine et Marie-Claude à Thies, et de là partager un taxi jusqu'au Lac Rose. Quand j'ai quitté la maison, Henriette était déjà debout, pour aller remplir des bassines d'eau au robinet.

Le site du Lac Rose est l'une des attractions touristiques du Sénégal. L'eau du lac est ... rose, à cause d'une algue particulière, et il y a tellement de sel qu'on flotte, si on veut se baigner là-dedans. Selon les reflets du soleil, moi j'appelerais ça le Lac Brun, mais c'est très joli !

Sur le bord de la plage, il y a des gens qui travaillent à extraire le sel pour le vendre. Il y en a de grandes buttes blanches. Il parait que c'est un travail très dommageable pour la santé.

Il y a aussi des hordes de vendeurs embulants qui viennent nous proposer des peintures, colliers, vases, hotels, restaurants visites guidées ... on oublie facilement ce que c'est que d'etre traitée en touriste !

La réunion a lieu dans un hotel, question de nous permettre de décompresser un peu et de prendre une pause de la réalité que nous vivons en stage. C'est assurément agréable ... mais en meme temps c'est un choc de passer de l'un à l'autre dans la meme journée.

Par exemple, pendant la réunion, je me suis mise à observer un employé de l'hotel qui arrosait la pelouse bien verte qui borde le site ... et j'ai pensé à ce qu'on m'a dit sur les récoltes de cette année à Yendane : les feves et les arachides ont séché, parce qu'il n'y a pas eu assez de pluie.

Pendant que les gens de yendane se battent pour trouver les fonds nécessaires à la construction d'un chateau d'eau qui alimentera la communauté, les touristes peuvent profiter d'une piscine creusée dans un hotel qui appartient à un étranger (nous l'avons rencontré).

J'ai profité de la piscine et j'ai passé une belle journée, mais je n'ai pas pu m'empecher de penser que la réalité est absurde : j'aurais aimé pouvoir transporter toute cette eau à Yendane ... mais la solution n'est pas aussi élémentaire et elle dépasse mes intentions ... le soir meme, j'étais de retour au village ; j'ai pris ma douche avec 3 litres d'eau et j'ai soupé en m'éclairant à la chandelle .... mais je vis que je l'ai choisi, alors que les gens que je cotoie sont nés dedans.

Faute de pouvoir changer ces paradoxes, je me dis que j'ai de la chance de faire partie de ceux qui peuvent en profiter, et que cette chance doit venir de pair avec certaines responsabilités.

1 commentaire:

Marie-France a dit…

"Faute de pouvoir changer ces paradoxes, je me dis que j'ai de la chance de faire partie de ceux qui peuvent en profiter, et que cette chance doit venir de pair avec certaines responsabilités." Très belle réflexion en ce premier jour de l'Avent. Merci beaucoup. Ça vaut, pour moi, plus que n'importe quel sermon du dimanche.